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« Un défi parfois difficile, mais extrêmement gratifiant »
TweeterLiem Tu, un volontaire américain, repense aux deux mois passés à Maison de la Gare
Le Sénégal peut être un peu un
lieu oppressant à certains moments. Mon parcours matinal de ma famille d'accueil
jusqu'au centre de Maison de la Gare était une expérience en soi. La cacophonie
de sons qui remplissent l'air ne se ressemble à aucun endroit que je connaisse:
les coups de klaxon aigus de taxis qui tentent d'attirer des clients, les éclats
de voix de femmes
sénégalaises causant ensemble pendant qu'elles s'occupent de
leurs kiosques de mangues à côté de la route, des enthousiastes fournisseurs
tendant des souvenirs à vendre en vous saluant avec un « Bonjour, mon ami !! »
exagéré et les petits enfants criant « Bonjour, Toubab! » comme ils vous
dépassent sur le trottoir, vous montrant de doigt et se moquant de votre peau
brûlée par le soleil et couverte de sueur. Des «cars rapides» passent à toute
allure, tellement remplis de passagers que de jeunes hommes se pendent hors de
l'arrière, se cramponnant comme si leur vie en dépendait. C’est toujours une
aventure que de prendre ces bus, car ils ont été justement surnommés "s'en fout
la mort".
Et, bien sûr, peu importe où vous êtes dans la ville de Saint-Louis, vous
entendez l'appel
à la prière et des sermons diffusés en arabe à partir du
haut-parleur de la mosquée la plus proche. À ce point de notre parcours, nous
avons déjà entendu quatre langues différentes sur notre chemin - wolof, français,
arabe et anglais. Ceci est ce qui rend le Sénégal si unique. Les influences de
la colonisation française, de fortes traditions islamiques et une histoire
tribale se sont combinées pour créer une culture riche et complexe qui ne se
ressemble à aucun autre. Pour moi, me jeter dans cet environnement complètement
nouveau et complexe fut extrêmement fascinant, mais aussi difficile au début.
Difficile parce que je ne comprenais pas vraiment la culture quand je suis
arrivé, et cela m’a amené à commettre un grand nombre de faux pas embarrassants
et inconfortables, me laissant sentir un peu hors propos.
Maison de la Gare, cependant, était un endroit où je me sentais toujours chez
moi – comme c’est le cas pour de nombreux talibés. Une partie de cela était
due à l'ambiance du centre. On ne peut que se sentir calme et détendu assis
dans le jardin
tranquille du centre avec ses bananiers et ses vignes, regardant
les murales aux couleurs vives qui couvrent les murs qui l'entourent. Mais, en
plus du jardin, ce sont les gens de Maison de la Gare qui m'ont fait sentir
bienvenu et à l’aise dès le premier jour, peu importe les fautes culturelles
que je faisais.
Le premier matin, et chaque matin par la suite, je fus accueilli par des
sourires et des poignées de main de tout le monde au centre. Je fus accepté.
Puis, ce fut le travail que je faisais qui a commencé à me donner confiance et
un vrai sens de contribution. L'un des membres de l'équipe de Maison de la
Gare, Noël Coly, m'a immédiatement montré comment prendre électroniquement la
présence quand les enfants talibés arrivaient au centre chaque matin. Avec
plus de cent garçons entrant quotidiennement, ce fut une excellente façon de
les rencontrer et d'apprendre leurs noms.
Les autres jours, je passais mes matinées à travailler individuellement avec
les enfants talibés aînés qui voulaient améliorer leur connaissance de
l’anglais, du français ou des mathématiques. Ces séances étaient vraiment
utiles parce que, pour chaque mot que j'enseignais en anglais ou en français,
les garçons m'enseignaient son équivalent en wolof. En plus d'être utiles
pour mon apprentissage en wolof, travailler avec ces garçons était une
expérience très inspirante. Plus j'ai appris sur leurs histoires, plus j'ai
été époustouflé par la motivation et le caractère qu'ils possèdent en dépit
de leurs circonstances difficiles. Abou, un de mes étudiants, marchait
pendant deux heures pour se rendre au centre tous les jours, se réveillant
à 4h00 pour s’acquitter de ses responsabilités à son daara avant de quitter.
Il y avait beaucoup d'autres histoires comme celle-ci. Ils m'ont rendu humble
et m'ont motivé à travailler encore plus fort, tout en me rappelant pourquoi
j'étais allé là.
En soirée, je revenais au centre pour les cours de langue. Je commençais à
travailler avec Omar, un volontaire du Corps de la paix américain, qui donnait
des cours d'anglais pour les talibés plus âgés (15 à 20 ans). Nos cours
commençaient à 18h30 et, parce que c'était le ramadan, se poursuivaient
jusqu'à Ndogou à 19h30 - l'heure de rompre le jeûne. Les garçons, même s'ils
n'avaient pas mangé ni bu quoique ce soit pendant treize heures, étaient
toujours positifs pendant les cours, attentifs et toujours désireux
d'apprendre plus et de poser des questions.
Quand je suis arrivé, j'étais appréhensif à l’idée de donner des cours. Je
n'avais jamais enseigné aucune langue et je n’avais aucune compétence ni
aucun certificat. Au début, il m’était parfois difficile d'expliquer des
mots ou des phrases à cause de mon incapacité à parler wolof. Mais j'ai eu
la chance d'avoir Kalidou dans ma classe, un talibé qui parlait un peu
anglais. Kalidou agissait comme traducteur, enseignant et étudiant tout en
même temps, étant l’intermédiaire entre les garçons et moi chaque fois que
nous avions du mal à nous comprendre. Au fil du temps, j'ai appris un peu
de wolof. Les garçons trouvaient très amusant et divertissant quand je
tentais d'expliquer les choses en utilisant les quelques mots en wolof que
je connaissais. Bien que gênants, mes efforts en wolof me rapprochaient
des garçons et effaçaient le mur qui aurait pu se développer entre nous.
En dehors des classes et du travail, je passais beaucoup de temps au centre
juste à m'amuser et à parler avec les gens. À jouer au ping-pong avec Bathe
et Abdou. À trouver une pizzeria avec Diodio et Issa. À parler de l'école
avec Arouna. À jouer aux jeux vidéo de football à l'arcade locale avec
Kalidou et Samba. Le fait d’avoir eu ces amitiés solides, des gens avec
qui je pouvais partager mes expériences, m'a aidé à mieux faire face à
certains des aspects tristes et difficiles du travail avec les talibés.
Je suis venu au Sénégal avec l’espoir de découvrir une nouvelle culture,
d'acquérir une expérience d'enseignement, d'améliorer mon français et de
soutenir une cause qui était plus grande que moi. En regardant en arrière,
j’ai gagné beaucoup plus. Cela fait cliché, mais être allé au Sénégal m'a
changé en quelque sorte. Avant de venir en Afrique de l'Ouest, comme
beaucoup d'Américains je n'avais que peu de compréhension de la façon dont
le monde non occidental fonctionne et quels sont ses défis. Avoir été
exposé à un mode de vie différent et aux réalités de la vie dans un pays
en développement m'a fait réfléchir et revoir de nombreux aspects de ma
vie dans mon pays.
Il y avait des différences culturelles que je ne comprenais pas quand je
suis arrivé mais, au fil du temps, elles sont devenues très attachantes.
Maintenant que je suis de retour aux États-Unis, pouvoir manger du riz
avec mes mains et serrer la main des gens à la sénégalaise tous les matins
me manquent beaucoup.
Mais plus que tout, les gens et mes relations avec eux me manquent. Avec
Facebook, je discute régulièrement avec les garçons et les membres de
l'équipe afin de rester en contact, mais cela m’attriste de penser que je
ne vais probablement jamais revoir certains d'entre eux.
Quand je suis revenu aux États-Unis, les gens me demandaient souvent,
« Est-ce que c'était une bonne expérience? » C’est une question un
peu complexe et au début j'avais du mal à déterminer ce que « bonne »
signifiait vraiment pour moi. J'ai eu maintenant un peu de temps pour
réfléchir à tout, à mettre en mots ce que je ressens. Maintenant, je
réponds toujours: « Ce fut un défi parfois difficile, mais extrêmement
gratifiant ».