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La ville des enfants mendiants









































L'histoire d'Omar - Le journaliste espagnol José Naranjo raconte l'histoire d'un enfant trouvé dans la rue, et du travail de Maison de la Gare pour arrêter cette horreur


C'est la nuit. Il y a un froid noir, un froid qui se faufile dans les crevasses de l'âme. À la gare routière de Saint-Louis, les derniers voyageurs du jour attendent leurs autobus tout en s'accrochant à la chaleur minimale d'une tasse de café. À côté du comptoir d'un magasin où on vend des jouets, du soda et des friandises, on peut voir une petite forme humaine. C'est Omar, âgé d'environ dix ans, qui dort dans son t-shirt rayé noir, abattu par l'épuisement. Tout le monde le regarde ; personne ne le voit. Comme lui, environ 15 000 enfants se promènent chaque jour à la recherche d'aumône dans les rues de cette ville, piégés dans une spirale de tradition, de pauvreté et d'exploitation d'enfants la plus grossière qui, pour le Sénégal, pourtant un pays tolérant, stable et en plein essor, représente à la fois une honteuse pratique et l'un de ses plus grands défis.

Modou Samb et Samba Ndong s'approchent d'Omar, le réveillent doucement, lui disent que ce n'est pas sécuritaire pour lui d'être là et l'encouragent à venir avec eux. Omar lève les yeux et les regarde, somnolent et surpris. Sa première réaction est de fuir, effrayé, mais il écoute ce qu'ils disent. Ils parlent d'un lit, d'une douche, de nouveaux vêtements. Surtout, une nuit de répit. Comment résister après une semaine d'errance sans but, se réfugiant dans n'importe quel coin?

Abattu, terrifié, confus, Omar se rend avec ses secouristes de la Maison de la Gare, trois figures à peine visibles dans l'obscurité de la nuit parmi les étalages bancals. L'enfant ne parle guère, ne murmure que quelques mots à voix basse.

Originaire de Keur Momar Sarr, un petit village près de Louga, Omar a quitté son daara il y a une semaine. Il était là depuis cinq ans, mais a fui quand son marabout l'a battu pour avoir été en retard un jour. Il a gagné quelques sous en conduisant un chariot dans la gare routière. Quand ils arrivent à la Maison de la Gare, Omar se couche dans un lit superposé et on le couvre d'une couverture. Un toit et un peu d'affection, après tout.

Il y a à peu près 50 000 d'enfants mendiants au Sénégal. Ils proviennent de villages à l'intérieur ou de pays voisins comme la Gambie et la Guinée-Bissau, envoyés par leurs parents à la ville pour étudier dans les écoles coraniques, les daaras, où ils sont forcés de mendier de l'argent dans les rues. Ce qui était autrefois un système d'apprentissage du Coran est devenu une exploitation pure. Bien que toutes les écoles coraniques ne demandent pas à leurs enfants de mendier, la réalité est difficile à cacher : les talibés sont la cheville ouvrière de cette armée de petits mendiants qui remplissent tous les jours les villes sénégalaises, et l'argent qu'ils collectent soutient leurs exploiteurs, les marabouts sans scrupules qui profitent de la pauvreté et de l'analphabétisme des familles rurales qui leur confient les enfants.

Ce qui était autrefois un système d'apprentissage du Coran est devenu une exploitation pure et brutale

Pendant qu'un nouveau jour se lève et qu'Omar apprécie la chaleur de son lit inattendu, des milliers d'enfants sales, habillés de haillons, sortent dans la rue avec leurs sébiles. Il y a 20 000 talibés à Saint-Louis, dont environ 15 000 sont obligés de mendier tous les jours. S'ils ne respectent pas leur quota quotidien d'argent ou s'ils n'apprennent pas leur leçon, ils sont soumis à des châtiments corporels et à d'autres mauvais traitements. Chaque jour, des dizaines essaient d'échapper à leurs agresseurs, qui les enferment ou les enchaînent dans des entraves pour les en empêcher.

À Maison de la Gare, Omar est réveillé après avoir passé sa première nuit à l'intérieur depuis une semaine. Modou pénètre dans la pièce et l'aide à enfiler de nouveaux vêtements. De l'extérieur, il ressemble à n'importe quel autre enfant, mais l'ombre de la peur et de la tristesse est toujours présente. La travailleuse sociale de Maison de la Gare, Thiéck Aw, l'interviewe. Elle veut savoir pourquoi il s'est enfui de son daara ; une décision doit être prise. « Nous ne pouvons pas le laisser dans la rue, » dit Modou, « et si nous l'emmenons dans son village, il sera probablement de retour ici dans trois jours. Dans son cas, nous ne voyons aucune preuve de châtiment corporel ou de mauvais traitements physiques. Nous pensons qu'il est préférable de le renvoyer à son marabout et ensuite de suivre l'affaire pour éviter que cela ne se reproduise. Il n'est pas bon pour lui de retourner à la gare routière. Des malheurs épouvantables se produisent là-bas. »

De retour au daara d'Omar, dans la région de Pikine de Saint-Louis, son marabout Thierno Sadibou le prend en charge. « Nous ne frappons pas les enfants, » dit-il. Samba et Modou parlent avec lui et l'avertissent qu'ils lui rendront visite chaque semaine, et que s'ils voient un signe de violence, il sera dénoncé aux autorités. Au cours des dernières années, l'équipe de la Maison de la Gare a réussi à fermer sept daaras qui ne respectaient pas les normes minimales, et leurs efforts ont conduit à la condamnation à la prison pour quatre marabouts. Certaines résistent, mais la plupart collaborent.












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Nos sincères remerciements à l’endroit d'Alfredo Cáliz pour les photos spectaculaires qui illustrent ce reportage. Également à l'Union européenne dont une subvention a rendu possible ce grand effort pour prendre en charge des enfants vivant dans la rue.