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14 779 enfants talibés mendiants à Saint-Louis





























Un premier recensement complet répond à la question,
« Qui sont les enfants talibés ?»


Baye Ndaraw Diop a été pendant des années le directeur du bureau saint-louisien de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) du Ministère de la Justice, le service gouvernemental s’occupant des enfants talibés. Suite à sa retraite de ce rôle en 2015, Monsieur Diop s’est joint à Maison de la Gare pour mener notre démarche grandement élargie de recherche, prise en charge, retour et suivi des enfants vivants dans la rue. Il nous raconte ici sa compréhension du phénomène « talibé » ainsi que les résultats d’un premier recensement complet de ces enfants qu’il a mené.

« Saint-Louis est la ville où a été installé le premier établissement scolaire du pays en 1857. Depuis lors, de nombreux efforts ont été faits par l’état pour augmenter et améliorer le nombre et la qualité des infrastructures scolaires.

Saint-Louis est également une des portes d’entrée de la religion musulmane. L’avènement de l’islam a été accompagné par l’installation de nombreuses écoles coraniques (daaras) dans presque tous les quartiers de la ville. Depuis lors, les maîtres coraniques (marabouts) sont venus à Saint-Louis avec leurs talibés et se sont installés progressivement dans des abris provisoires et des maisons en construction. Toutefois, la présence de ces milliers de jeunes talibés constituent une source d’inquiétude pour la communauté et les autorités locales.

Il convient de rappeler qu’à côté de la famille, les écoles française et coranique participent à l’éducation des enfants en permettant l’acquisition de connaissances dans de nombreux domaines de la vie. L’enseignement (français/ coranique) jouit donc d’un grand prestige auprès des populations et chaque parent a la liberté de choisir le type d’enseignement vers lequel il veut orienter son enfant.

La présence massive des talibés accompagnant leurs marabouts pose un réel problème de prise en charge des enfants. Malgré la tradition hospitalière des Saint-Louisiens et Saint-Louisiennes avec le système de parrainage et de marrainage, on constate malheureusement que la mendicité des enfants revêt des proportions préoccupantes.

Âgés de moins de 15 ans pour la plupart, ces enfants mendiants sont très pauvres et vivent dans une extrême précarité. Exploités le plus souvent, ils sont aussi susceptibles d’être livrés à la traite et au trafic humain, aux abus sexuels, et à maintes autres formes de maltraitance.

Dans la ville de Saint-Louis, le nombre d’enfants (talibés/enfants des rues) impliqués dans la mendicité n’est pas connu du fait de son caractère clandestin et des différentes situations, formes et filières desquelles elle se développe. Les enfants victimes de traite à Saint-Louis sont pour l’essentiel des talibés mendiants qui sont particulièrement vulnérables parce qu’exposés aux violations physiques, psychologiques, aux chocs émotionnels, aux violences sexuelles, aux traumatismes de toutes sortes et qui sont pour la plupart séparés de leurs parents.

L’objet de ce présent recensement a été de faire le répertoire des daaras installés dans la commune de Saint-Louis. Il s’agissait de préciser le nom et le contact du marabout de chaque daara ainsi que le nombre de talibés dans le daara et leur statut (interne, vivant dans le daara, ou externe, vivant avec leur famille).

En vérité, on ne peut pas travailler sur la cible d’améliorer la vie des enfants talibés, même éliminer le phénomène de la mendicité d’enfants, si on ne connaît pas les données de base à savoir les statistiques réelles sur les écoles coraniques, d’où l’importance pour Maison de la Gare de réaliser cette étude.

Le travail a été réalisé par une équipe de dix enquêteurs de terrain accompagnée par cinq marabouts-facilitateurs et cinq superviseurs. Certaines difficultés ont été rencontrées sur le terrain avec des marabouts qui ne voulaient pas collaborer sous prétexte qu’ils ont été plusieurs fois abusés par des enquêteurs. Les rencontres entre facilitateurs et maîtres d’enseignement coranique ont permis d’aplanir ces problèmes. En fin de compte, 187 des 197 daaras identifiés comme ayants des enfants talibés, soit 95% du total, ont collaboré en fourniture d'informations de recensement.

Le résultat de ce recensement est que le nombre d'enfants talibés mendiants à Saint-Louis touche quatorze mille sept cent soixante-dix-neuf (14.779).

Dans l’ensemble, les enfants talibés sont très jeunes, de 5 à 17 ans, leur moyenne d’âge se situant autour de 12 ans. La grande majorité des talibés ne sont pas originaires de la région de Saint-Louis ; ils viennent d'autres régions et des pays voisins.

Les enquêteurs de terrain ont noté que les talibés vivent dans des conditions d’hébergement, d’alimentation et d’hygiène très précaires. Les marabouts qui font office de tuteurs soumettent les enfants talibés à des formes de maltraitance extrême, de négligence et d’exploitation.

L’analyse des résultats obtenus par ce travail va permettre une meilleure connaissance de la situation des daaras et des conditions de vie des talibés ainsi que la mise en place des mesures les plus appropriées pour améliorer le sort de ces malheureux enfants. »

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Nous sommes reconnaissants pour la subvention de l’Union européenne grâce à laquelle ce recensement, trop souvent différé, a été rendu possible. Nos sincères remerciements vont aussi à l’endroit d'Ingrid Hägele, de Ryosuke Nishimura (Djiby Bâ) et de Lydie Texidor pour les photos illustratives qui, chacune, raconte sa propre histoire.