Témoignage de Chuck Hornsby
Quand j'ai commencé à chercher un poste
comme volontaire en Afrique francophone, c'est par hasard (ou par chance) que j'ai trouvé
Maison de la Gare. Mon idée a été de trouver un endroit pour enseigner l'anglais, comme
je l'avais déjà fait dans trois postes précédents dans des écoles en Thaïlande, au Laos
et au Mexique. Je suis arrivé au volontariat international tard dans la vie, mais ce que
j'avais découvert était à la fois fascinant et aventureux, une combinaison convaincante
pour moi. Donc, à 80 ans, je n'allais pas manquer cette opportunité.
Le site web de Maison de la Gare m'a immédiatement séduit, m'offrant une chance de venir
en aide à ces garçons obligés de mendier quotidiennement dans les rues de Saint-Louis.
Je ne savais pas exactement comment je pouvais donner un coup de main, mais je pensais
que je pourrais peut-être enseigner quelque chose - ou simplement faire ce qui m'était
demandé. J'ai envoyé une requête à Issa Kouyaté, le directeur, et j'ai reçu une réponse
immédiate.
Au lieu de séjourner dans une auberge, j'ai choisi de vivre chez une famille, ce qui
déclencha mon désir de plonger dans la scène locale avec tous les défis et les
satisfactions qui font partie de l'immersion culturelle.
Alors, après quelques jours dans la capitale chaotique et bigarrée de Dakar pour trouver
mes repères sénégalais, jeter un coup d'œil et m'habituer à l'accent français local, je
suis arrivé à Saint-Louis aux portes de Mme Soda Beye juste à temps pour rencontrer la
famille - fils, fille et petit-fils - avant de m’asseoir sur un tapis et de partager le
repas principal de la journée à même un grand bol commun où on mange avec les doigts ou
une cuillère à soupe (mon choix) utilisant, étant en pays musulman, la main droite
seulement (on a eu qu'à me le rappeler seulement une ou deux fois avec un coup dans les
côtes). Le repas était le plat national appelé Thiéboudienne, poisson cuit et légumes
sur riz et recouvert d'une sauce épicée et savoureuse. Je goûterais de nombreuses
variations de ce plat au cours des prochaines semaines. Assis côte à côte avec des
membres de la famille, partageant le même gros pot et entamant une conversation animée,
j'ai immédiatement ressenti que je faisais partie de la famille.
Le lendemain matin, Issa est venu me chercher et m'a accompagné durant les 20 minutes de
marche jusqu'au centre de Maison de la Gare, situé près d'une rue principale en face du
stade de football. Les membres du personnel furent chaleureusement accueillants et,
bien que les premiers garçons que j'aie rencontrés aient d'abord regardé l'étranger que
j'étais avec des yeux écarquillés, il ne fallut pas longtemps pour qu'ils soient tous
souriants et me fassent des topes là. Le centre de Maison de la Gare est composé d'un
bureau et salle d'informatique, d'une bibliothèque et salle de télé, d'une laverie
extérieure, d'une rangée de toilettes et douches, d'une cuisine, d'un dortoir d'urgence,
de trois salles de classe et, séparément, d'une infirmerie, tous regroupés autour du
terrain de jeu sablonneux.
Après avoir observé les alentours et m'être repéré, je me suis aventuré dans l'infirmerie,
et là j'ai trouvé ma place. Après avoir vu défiler ces garçons âgés entre 5 et 15 ans -
la plupart dans des vêtements usés et en lambeaux - qui venaient se faire soigner pour
des blessures et coupures (à leurs pieds nus), abrasions, affections cutanées et de cuir
chevelu et parfois brûlures ou gale, on m'a demandé de les aider.
Et ainsi a commencé ma routine quotidienne, me présentant à la cloche d'ouverture et
prenant ma place à côté de mes collègues Awa et Abibou. Il n'a pas été difficile
d'apprendre la routine du nettoyage, du bandage et de l'assistance d'autres procédures,
mais ce fut très gratifiant d'offrir ces traitements utiles aux garçons, aux talibés,
qui avaient si cruellement besoin de réconfort, de soutien et d'attention. Je n'ai pas
tardé à me sentir comme l'un des membres de l'équipe.
Souvent, l'infirmerie n'était pas tellement occupée dans l'après-midi et l'animateur
des activités, Abdou, un gars merveilleux et talentueux, m'a impliqué dans l'organisation
de jeux simples, des courses et d'autres activités, ce que ces enfants ont vraiment aimé.
Les regarder s'amuser, joyeusement libres, en train de jouer, était pure joie ! Après
avoir aidé à distribuer une collation en fin d'après-midi, je suis allé dans une salle de
classe où j'ai enseigné l'anglais et le français de base. Le manque de matériel était
parfois frustrant, mais les enfants étaient si enthousiastes et pleins d'énergie que ce
fut néanmoins une expérience de classe très heureuse. Pourtant, quand les portes du
centre étaient fermées pour la nuit, j'étais triste en pensant à ces visages heureux qui
devaient retourner vers leurs conditions de vie sordides, surpeuplées et souvent abusives
auxquelles ils sont soumis par les soi-disant enseignants coraniques qui les exploitent.
Je suis un cycliste de longue date. Issa m'a donc trouvé un vélo qui m'a non seulement
emmené tous les jours au centre et à la maison pour le déjeuner, mais qui m'a servi aussi
pour explorer tous les coins de la ville, la campagne aussi. Il y avait beaucoup à
découvrir, des marchés colorés aux rues commerçantes grouillantes et à la pauvreté
austère et rude. Saint-Louis, autrefois la capitale vibrante de toute
l'Afrique-Occidentale française, n'est plus maintenant qu'un conte d'une gloire passée.
Pourtant, explorant les vestiges de l'époque coloniale, le port de pêche vital avec ses
centaines de bateaux de couleurs vives et le village artisanal délabré qui abritait de
nombreux artisans sympathiques et talentueux, ce ne sont que quelques-unes des myriades
de merveilles que j'ai découvertes durant mon séjour.
Ceci est le récit du voyage d'un volontaire, mais le cœur de l'histoire concerne les
garçons, les talibés, envoyés de leurs foyers ruraux très pauvres à Saint-Louis pour
"étudier" (en réalité, mémoriser) le Coran et qui se retrouvent mendiants, horriblement
exploités par leurs enseignants. La pratique est en fait illégale, mais tellement
enracinée dans la culture locale qu'elle persiste obstinément. Maison de la Gare a fait
d'importantes percées, en renforçant la sensibilisation, en améliorant l'hygiène et la
nutrition et, peut-être le plus important, en donnant de l'espoir à très grand nombre de
ces garçons. Pourtant, il reste beaucoup à faire.
À mes collègues Abdou, Bouri, Awa, Abibou, Mamadou, Kalidou qui enseignait l'anglais
avec moi, Souleymane qui dirigeait le cours de karaté, Aïda mon amie d'enseignement en
français et Issa, pour ne nommer que quelques-uns de ces employés dévoués, j'ai été
fortement impressionné par votre dévouement acharné à la cause talibé. À observer ces
garçons qui lavent leurs vêtements, brossent leurs dents (beaucoup pour la première
fois), qui se font des amis et jouent à leurs jeux, on comprend vite la raison du
dévouement à leur cause qui anime le personnel de Maison de la Gare ainsi que le réseau
international qui soutient leurs efforts.
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