Témoignage de Xavier Lajeunesse-Arguello
Depuis que je suis enfant, je sais que
je veux devenir infirmier. Aider mon prochain a toujours été une priorité à mes yeux.
Ce n’est qu’une fois rendu au niveau collégial, lorsque je suivais mon cours en soins
infirmiers, que l’idée d’aller faire de l’aide humanitaire m’est venue à l’esprit.
Toutefois, l’opportunité ne s’est jamais présentée. Lors de ma dernière année en soins
infirmiers, nous avons étudié la communauté sénégalaise et les soins qui y sont prodigués.
C’est à ce moment que j’ai eu l’idée de faire un voyage d’aide humanitaire au Sénégal et
c’est alors que je suis tombé sur le site de Maison de la Gare de Saint-Louis. Je savais
que cette expérience allait être tout un défi. J’avais déjà commencé ma préparation lors
de mes études et il ne me restait plus qu’à le vivre. J’ai donc pris un billet d’avion
aller-retour pour Dakar et, seulement quelques semaines après mon inscription, j’étais en
terre sénégalaise.
À mon arrivée, j’ai dû faire face à un petit choc culturel. Je n’étais plus dans mon
climat frais du Canada ni dans le confort de mon chez-moi. Les soins étaient bien
différents de ceux que je prodigue à l'hôpital et la culture est différente de celle
d'ici. La route de Dakar vers Saint-Louis fut très éprouvante pour moi. Je regardais
par la fenêtre les petits commerces et les petites maisons sur le bord de la route ;
c’était bien différent de Montréal. C’est à ce moment que j’ai réalisé que cela serait
un beau grand défi pour moi. Une fois arrivé à Saint-Louis, j’ai fait la connaissance
de ma famille d’accueil qui a su m’aider à être à l’aise en territoire sénégalais. Les
gens ont toujours été très gentils et ouverts d’esprit avec moi. Malgré le fait que
c’était le ramadan pendant tout mon séjour là-bas, ma famille d’accueil me préparait
mes repas du déjeuner et du dîner. Nous nous réunissions vers 21h pour prendre le
repas du soir tous ensemble.
Dès ma première journée, j’ai fait la rencontre d’Issa Kouyaté, président et fondateur
de l’organisme, un homme formidable et dévoué à son travail. J’ai été en fait très
surpris de voir à quel point il était impliqué auprès des jeunes du centre. C’est un
homme qui fait passer les intérêts des autres avant les siens. Lors de cette première
journée, il m’a fait visiter la ville et m’a remis un téléphone cellulaire pour me
permettre de communiquer avec le centre et même avec ma famille au Canada. C’est
alors que j’ai réalisé que cet organisme prenait bien soin de ses volontaires et nous
guidait tout au long de cette expérience.
Lors d’une journée habituelle, je me réveillais à 9h. Je commençais par prendre une
douche avec mon ami Bernard le lézard, avec qui je partageais ma salle de bain, et
mon déjeuner m’attendait sur la galerie près de ma chambre. Ensuite, je marchais
jusqu’à Maison de la Gare, environ 5 ou 10 minutes de marche, pour
commencer ma journée à l’infirmerie qui était ouverte de 10h jusqu’à 14h. L’infirmerie
fermait plus tôt que d’habitude en raison du ramadan. C’est à l’infirmerie que j’ai
dû réapprendre ma technique d’application des pansements car, bien entendu, elle est
très différente de la nôtre. Mon cher ami et collègue Abibou Fall a eu la
gentillesse et la patience de m’enseigner sa technique.
Pendant le reste du jour, je restais au centre à parler avec les autres adultes
et les enfants. La communication était parfois difficile puisque je ne parle pas
le Wolof, mais mon cher ami Abdou Soumaré était là pour m’aider à faire la
traduction. Ensuite, je retournais à la maison pour manger mon repas du dîner qui
m’attendait, comme pour mon déjeuner, sur la galerie près de ma chambre. En raison
du ramadan, le centre était plutôt vide le soir. Il m’arrivait de passer des
soirées là ou bien sinon d’aller me promener dans Saint-Louis. Il m’arrivait aussi
de passer des soirées avec ma famille d’accueil et de discuter avec eux.
Malheureusement, lors de mon séjour, Abibou fut malade pendant deux semaines. J’ai
donc dû ouvrir la clinique moi-même de façon autonome. Ce fut un bien gros défi
car, au Canada, les infirmiers ne sont pas autorisés à prescrire ou bien à faire
des points de suture et parfois ces interventions étaient nécessaires. Dans ces
moments-là, il m’arrivait de me sentir impuissant et inutile. Aussi, les maladies
sont bien différentes de celles de mon pays. Traiter la gale est chose rare à
Montréal, mais bien connue au Sénégal. D’ailleurs, ce fut très difficile
émotionnellement de devoir traiter ces enfants atteints de cette maladie. J’avais
toutefois des connaissances en soins de plaies, brûlures et tétanos. Aussi,
j’avais quelques connaissances dans les soins contre les vers de Cayor (myiase
sous-cutanée) ainsi que les directives à suivre pour les prévenir. Il m’est
arrivé de retirer un de ces vers de l’épaule d’un enfant. À ce moment, je me
suis senti réellement essentiel pour cet enfant.
J’ai été bien surpris de voir à quel point Saint-Louis est une ville sécuritaire.
C’était loin de ce que l’on voit à la télévision. Il m’arrivait de marcher
jusqu’au centre-ville ou bien d’aller à la plage et de prendre un taxi en toute
sécurité. Les Sénégalais sont bien accueillants et plusieurs s’arrêtaient pour
me parler et m’en apprendre davantage sur leur culture. En marchant vers le
centre-ville, je devais passer devant un grand marché. Cela fait un peu peur
au début car il y a beaucoup de gens, mais il m’arrivait de faire la connaissance
de jeunes écoliers qui traversaient le marché avec moi et pratiquaient en même
temps leur français. De plus, ils en profitaient pour m’en apprendre davantage
sur la vie sénégalaise.
Malheureusement, en raison de mon horaire de travail d’infirmier à Montréal, il
ne m’était pas possible de rester plus que trois semaines au Sénégal. Bien
entendu, trois semaines c’est bien peu pour s’intégrer à la culture. J’aurais
souhaité rester plus longtemps. J’ai l’impression que j’aurais pu en faire plus
et en profiter davantage avec quelques semaines supplémentaires. Au début, j’ai
eu l’impression que mon passage au centre a été inutile ; j’avais l’impression
de ne pas avoir apporté grand-chose dans la vie de ces talibés. Ce n’est qu’une
fois revenu au Canada et après en avoir discuté avec mon grand-frère Dominique
qui m’a dit : « Tu sais Xavier, si tu n’avais pas été là, qui aurait été à
l’infirmerie pour soigner les talibés ??» que j’ai réalisé que je n’ai peut-être
pas changé le monde, mais que j’ai fait mon possible et qu’au final j’ai apporté
ma contribution.
Je recommande totalement cette expérience à quiconque veut l’essayer. C’est une
expérience qu'il faut tenter, qui nous aide à avoir un point de vue différent sur
le monde, qui nous permet d’élargir nos horizons et surtout qui nous permet d’en
apprendre davantage sur nous-mêmes et sur nos limites. Je sais qu’un jour je
vais répéter cette aventure. Peut-être que je vais retourner au Sénégal ou bien
peut-être que ce sera dans un autre pays. Il y a tant à voir et à apprendre
dans ce monde.
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