Témoignage de Steven Brandt
Pour mes vacances
d'hiver cette année, j’ai entrepris un voyage de Colorado Springs,
Colorado à Saint-Louis au Sénégal afin d’aller aider les enfants
talibés et travailler avec Maison de la Gare. Quelle expérience!
Le voyage a commencé avec mon vol à Dakar suivi d'un trajet de quatre
heures en voiture vers le nord du Sénégal à Saint-Louis. Ma première
expérience à Dakar a été vécue tout juste à l'extérieur de l'aéroport
… et elle a été entièrement de ma faute. Je n’ai pas attendu à
l’intérieur de l’aéroport la personne qui devait venir me chercher.
Au lieu de cela, je suis sorti de l’aérogare où je me suis laissé
convaincre par un sénégalais amical qu'il pourrait m’aider à trouver
mon chauffeur. J’ai accepté son aide sans réaliser que, par la suite,
il insisterait pour que je le paie pour ses gentils services. J’ai
perdu 20 $ dans les trente premières minutes dans le pays, mais ce
fut une leçon bien apprise!
Le parcours à Saint-Louis était frappant - des paysages agricoles
environnants Dakar et Thiès vers la brousse semi-aride du nord du
Sénégal. Je suis arrivé à la maison de ma famille d'accueil vers
midi, et j’ai vécu chez eux durant tout mon séjour. Comptant quatre
filles et un garçon, la famille Diouf m’a donné l’opportunité
incroyable de me familiariser avec la culture sénégalaise et de
connaître la vie quotidienne d'une famille sénégalaise. Mon premier
repas a été incroyable - quatre œufs, oignons, patates frites et une
baguette. Madame Diouf, la maman de la maison, m’a traité
admirablement bien, s’assurant que je comprenne bien l’horaire des
repas et insistant pour que je garde contact avec elle. Et ceci,
sans mentionner la préparation des repas délicieux, des repas
étonnants pour moi que nous avons toujours mangés ensemble assis
sur un tapis posé sur le plancher, tout autour d’un grand bol,
d'une manière commune très conviviale et très différente de celle
des repas que je connais aux États-Unis.
Au cours de mes premiers jours, j’ai traîné avec les enfants les
plus jeunes, Mohamed, Sokhna et Adja Ngossé. Nous avons joué au football
sur le toit de leur maison, fait des promenades autour de leur
quartier et acheté des friandises dans les boutiques locales.
Quelques jours après mon arrivée, les vacances scolaires ont
commencé pour tous les enfants et j’ai rencontré les deux filles
aînées, Ndeye Yandé et Mama. C’était génial de parler français
avec elles alors qu’elles m’expliquaient les prières quotidiennes
dans la ville musulmane, comment leurs écoles fonctionnent et ce
qu'ils aiment faire dans leur temps libre. Ma vie avec la famille
Diouf a été un élément très important et significatif de mon séjour
à Saint-Louis, bénéficiant sur une base quotidienne de leur
hospitalité incroyable et de leurs attentions à mon égard. Le
Sénégal est connu comme le pays de « Téranga », d'hospitalité,
et c’est certainement cela que j’ai ressenti durant le temps que
j’ai passé dans la famille Diouf.
Une journée typique pour moi, y compris Noël, commençait en me
réveillant vers 9h, travaillant au centre de Maison de la Gare de
10h à 13h, traînant chez les Diouf de 1h30 à 16h30 et puis
travaillant de nouveau au centre. Après le travail, les soirs,
soit je faisais une tournée de Saint-Louis, soit je passais mon
temps chez les Diouf, ou encore, je socialisais avec Issa, Bathe
et Abdoul chez eux jusqu'à minuit. Issa, Bathe, et Abdoul étaient
les principaux travailleurs du centre pendant mon séjour, et ils
m’ont traité avec presque autant d'hospitalité que la famille Diouf.
Lors de mon arrivée au centre, j’ai rencontré le personnel et puis
j’ai aidé l'infirmière Binta à changer le pansement sur le pied
d’un jeune enfant talibé. Près de la moitié de son pied avait été
gravement brûlée. J’ai appris plus tard d’Issa que d’autres
talibés avaient allumé un feu sur son pied comme une farce, pour
le réveiller, pendant qu’il dormait dans la rue. J’ai réalisé
pendant mon séjour à Saint-Louis que ce genre d'évènement n’est
pas rare dans la vie de ces jeunes talibés. Ils sont souvent
marchandés à partir des parties rurales du Sénégal ou d'autres
pays – j’ai rencontré des enfants de la Gambie, de la Guinée, de
la Guinée-Bissau et du Mali - et ils sont obligés de travailler
pour les marabouts qui leur fournissent peu de moyens de survie et
qui extorquent de l'argent pour lequel ils doivent mendier.
Même si je savais que les enfa nts sont souvent maltraités par
leurs marabouts, j’ai été choqué de constater l’effet négatif causé
par les mauvaises conditions de vie et par l'absence de leurs
familles. Un autre jeune garçon qui j’ai rencontré et qu’Issa a
pris en charge avait été trouvé sur la plage terriblement atteint
de la gale au point de ne pas être en mesure d'utiliser ses mains.
Bathe m'a dit que ceci est très commun dans les daaras (les écoles
coraniques où habitent les talibés) en raison des conditions de
vie terribles. Mon travail au centre m'a fortement aidé à voir les
choses sous un autre angle, ce qui fut le plus significatif pour
moi lors de mon séjour au Sénégal.
Chaque jour de la semaine, sauf les week-ends, je travaillais le
matin dans le jardin ou à l'infirmerie ou j’aidais les talibés à
laver leurs vêtements. Parfois, j’aimais jouer avec les enfants
ou tout simplement discuter avec les talibés aînés. Il y a un
bon nombre de talibés âgés qui vivent dans les daaras depuis très
longtemps. L’un d’entre eux s’appelle Kalidou. Il parle français,
wolof, peul et un peu l'anglais. Étant donné que son daara se
trouve tout près d’où demeure la famille Diouf, j’ai souvent marché
à la maison avec lui en discutant de football, de nos familles, ou
d’autres centaines de questions que j’avais à propos de la culture
sénégalaise telle que: pourquoi les gens sénégalais mâchent souvent
des branches de citron? Ou, comment fonctionne le système de taxi?
Lors des soirées au centre, je suis rapidement devenu l’enseignant
français / anglais pour les talibés plus âgés, de 15 à 21 ans.
Chaque soir, nous faisions les conjugaisons des verbes ou nous
apprenions des phrases de base en français et en anglais, les répétant
maintes et maintes fois et les écrivant jusqu'à ce que les talibés
arrivent à le faire. Ces moments étaient merveilleux pour moi, et
j’étais vraiment honoré d'enseigner à ces garçons qui avaient presque
mon âge, quelque chose qui pourrait un jour, sinon leur être utile,
au moins les encourager à poursuivre une vie plus intéressante. Ils
étaient tellement reconnaissants, mais en fait, c’est moi qui leur
suis vraiment reconnaissant.
Quand vint le moment de quitter Saint-Louis, je ne pouvais m’empêcher
de me rappeler tous les bons moments vécus avec Bathe, Abdoul et Issa
quand je n’étais pas au centre. Ils m’ont invité à jouer au football
et à prendre le dîner et le thé avec eux et m’ont aussi aidé à me
procurer des cadeaux à apporter à ma famille. Un des plus forts
sentiments que je rapporte de cette expérience est d’éprouver de
l’humilité en pensant à notre mode de vie aux États-Unis. Nous
sommes souvent trop occupés et trop centrés sur nous-mêmes. J’ai
rendu service, mais je me suis aussi détendu au Sénégal, établissant
les liens d’amitié qui, je l’espère, vont durer pour toute ma vie.
Et peut-être un tout petit peu, j’aurai contribué à améliorer la vie
de certaines personnes; c’est ce qui est vraiment important dans la
vie et je n’aurais jamais échangé ma pause d'hiver, Noël, Jour de
l’An et n’importe quoi d’autre contre cette expérience que j’ai vécue
à Saint-Louis avec les personnes extraordinaires qui j’ai rencontrées
là-bas!
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