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Je suis venu un étranger

Tommaso Arosio à Maison de la Gare


Je suis venu un étranger, arrivé sans aucun savoir du milieu.

Je n’ai jamais pensé à devenir une personne courageuse, une bonne personne. Quand je repense à mon expérience au Sénégal, c'est assez difficile de le mettre entre des lignes.

Tout d’abord, je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont suggéré et m’ont encouragé à partir en Afrique. Pour prendre un peu de temps et réfléchir sur les erreurs de mon passé. Pour planifier mon avenir.

Mais je ne pouvais pas le faire en Afrique. Je ne pouvais pas réfléchir, je veux dire. Et je ne pouvais pas planifier quelque chose. Dès le premier jour, j’ai appris à vivre le présent. J’ai certainement oublié le passé et l’avenir. Même si parfois on me disait que j’avais ma « tête dans les nuages », en fait je n’avais jamais vraiment trouvé la concentration nécessaire pour laisser le temps présent.

En Italie, j’avais lu attentivement toutes les informations sur l’organisation et les activités de Maison de la Gare, l’association pour laquelle je travaillerais du mois d'avril au mois de juin 2013. Dans mes pensées, j'avais exclu les programmes d'assistance médicale et d’enseignement du français parce que je pensais que je n’étais pas assez habile pour remplir correctement ces fonctions. Et probablement je ne l’étais pas, pour être honnête. Cependant, ils étaient les deux activités sur lesquelles je passais la plupart de mon temps.

La première fois que je suis entré dans un daara, l’un des volontaires m’a demandé ce que je pensais, ce que furent mes premières impressions après cette première rencontre avec le monde du talibé ? Je lui répondis que je ne vais jamais juger quoi que ce soit; j’étais là pour les aider et travailler, pas pour juger. Et j’ai tenu ma parole.

J’ai été traité comme un ami dès la première journée parce que je me suis mis dans une position très claire : j’ai traité tout le monde de la même façon. J’étais amical avec tous les gens autour de moi, toujours souriant, trouvant le temps de plaisanter avec tout le monde (surtout avec les enfants, bien sûr), même quand je souffrais du mal du pays ou j’ai été bouleversé par quelque chose. Je ne me suis jamais permis de mélanger la tristesse européenne avec le bonheur africain. Parfois, c’était dur. Les personnes les plus proches de moi ont remarqué ce conflit, mais pas les enfants et c’était le but.

L’Afrique, le Sénégal et, en général, cette expérience m’ont aidé à redécouvrir la confiance que j’avais perdu avant que je ne vienne. J’ai travaillé avec engagement; j’ai appris beaucoup de nouvelles choses. J’ai rencontré des gens de partout dans le monde. J’ai même réalisé une assez bonne maîtrise de la langue française, étant donné que je l’avais appris à peine.

Cette expérience m’a conscientisé du fait que je suis une personne privilégiée. Une personne privilégiée ne mérite pas d’être plus privilégiée qu’une personne désœuvrée. C’est juste le destin qui le rend heureux. Une personne chanceuse ne peut pas s’en sortir sans avoir une conscience. Parce qu’il a plus, il doit donner un peu plus pour les gens qui ne savent pas la signification du mot privilège.

J'ai rencontré beaucoup d'enfants talibés assez responsables qui, malgré leur âge assez avancé, ne savent absolument rien de la vie qu'un jeune enfant d'Europe est en train de vivre. D'autant plus qu'ils gardent toujours le sourire malgré leur situation de vie descendante. C'est cela le message que j'essaye de faire passer. Retourner l'enfance à ces origines, les enfants. Je suis fier d'avoir rencontré ces beaux jeunes hommes. Je suis fier qu'ils m'aient appelé « ami ». Je ne saurai s'ils vont se souvenir de moi; je me souviendrai d'eux!

Je dois dire quelques mots à ma famille d’accueil sénégalais : Aladji, Ama, Babs et Siberou. Juste merci. Je ne vais pas vous oublier, non plus. Jamais.

Et merci Issa. Merci pour votre exemple. Je ne pourrais jamais faire ce que vous faites. Je pense que très peu de personnes dans le monde pourraient ; je les appelle les « bonnes personnes ». Je suis chanceux d’avoir rencontré l’un d’entre eux.

Je suis reparti en homme.





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