MDG actualités

Portrait d'espoir pour mettre fin à la mendicité des enfants talibés































Ndèye Diodio Calloga décrit quatre années de progrès en rétention d’enfants talibés dans leurs villages d'origine


Les jeunes talibés de la rue sillonnent la ville à longueur de journée, ils tendent la main avec leurs seaux de mendicité ou s’adonnent à des activités pouvant compromettre leur éducation, leur santé, leur sécurité et leur moralité. Nous avons lancé le projet de l'Union européenne en 2016 avec un recensement complet de ces enfants talibés mendiants, espérant avoir un impact positif majeur sur ce problème. Et ça a fonctionné ! Deux volets du projet y ont essentiellement contribué : la recherche et la réinsertion des enfants vivant dans la rue, objet de notre dernier rapport, et les campagnes de sensibilisation dans les villes et villages d’origine des enfants.

Les campagnes de sensibilisation dans les communautés d'origine des enfants talibés ont eu un impact énorme. Elles ont permis de rencontrer les familles des enfants et de mieux comprendre leurs conditions de vie et d’existence et les raisons pour lesquelles elles envoient leurs enfants à Saint-Louis.

En somme, nous avons organisée onze campagnes de sensibilisation à travers le Sénégal, avec un total de 41 sessions dans une vingtaine de localités. Le choix des lieux n’a pas été fortuit. Les régions de Louga, Kaolack, Kaffrine, Kolda, Matam, Podor, Tamba, Diourbel, Bambey et Saint-Louis constituent les principaux lieux de provenance des enfants. Des milliers de familles continuent à envoyer leurs enfants à Saint-Louis pour l’apprentissage du Coran, parfois en totale méconnaissance du sort qui leur est réellement réservé. Pour obtenir le moindre résultat dans notre lutte pour mettre fin à cette vie de mendicité qui attend leurs enfants, nous devons faire prendre conscience à ces familles de ce à quoi ils les condamnent.

Dans ce sens, les campagnes de sensibilisation ont eu un impact énorme. Elles nous ont permis de rencontrer les familles des enfants et de mieux comprendre leurs conditions de vie et d’existence et les raisons pour lesquelles elles envoient leurs enfants à Saint-Louis.

Notre premier constat et le plus frappant a été les conditions de vie rudimentaires dans les lieux de vie des familles. Les visites à domicile et les nombreuses discussions et échanges ont révélé que les parents envoient leurs enfants dans les grandes villes afin qu'ils puissent avoir de meilleures conditions de vie, en plus de recevoir un enseignement coranique. Nous avons pu mieux comprendre les vraies raisons de l'afflux de garçons vers les grandes villes, et aussi pourquoi les enfants rentrés chez eux ont du mal à y rester et à se réinsérer dans la société. Il y a rarement des activités éducatives, de loisirs ou professionnelles pour eux, autres que les travaux agricoles lourds, qui peuvent être très exigeants.

Les campagnes de sensibilisation ont également largement contribué au travail de notre équipe de maraude à Saint-Louis. Il était souvent difficile de retracer les familles d'enfants talibés retrouvés dans la rue, en raison de la résistance et souvent du refus de leurs marabouts d'être coopératifs ainsi que de vagues souvenirs des enfants au sujet de leurs communautés d'origine. Les campagnes nous ont permis d'établir des relations de partenariat avec les AEMOs (bureaux locaux du Ministère de la Justice) et les organisations communautaires de base dans tous les coins du Sénégal. Et nous avons créé des comités de veille dans plusieurs localités. Ces relations apportent désormais un soutien énorme avec la recherche des familles, le retour des enfants dans leurs familles, et surtout dans la prise en charge et le suivi des enfants après leur retour à la maison.

Mais comment mesurer si un réel changement a résulté de ces efforts ? Y a-t-il moins d'enfants talibés mendiants à Saint-Louis ? C'était le but des recensements que nous avons réalisés début 2016 et à nouveau en décembre 2019.

Lors du premier recensement, nous avons répertorié tous les daaras de la commune de Saint-Louis. Le travail a été réalisé par une équipe de dix enquêteurs de terrain appuyés par cinq marabouts-animateurs et cinq superviseurs. Plus de 95% des marabouts responsables des daaras ont collaboré pour fournir des informations de recensement. Un total de 14 779 enfants talibés mendiants ont été identifiés vivant dans 197 daaras.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les délégués des 33 quartiers de Saint-Louis pour le deuxième recensement des enfants talibés en décembre 2019. Ils ont participé à la fois aux campagnes d'information initiales et au recensement proprement dit. Notre objectif était non seulement d'obtenir les données dont nous avions besoin, mais aussi d'aider les délégués à identifier et à établir des relations avec les daaras dans leurs quartiers afin qu'ils puissent exercer un certain contrôle sur eux. Accompagnés de ces responsables, nos enquêteurs de terrain ont visité un total de 147 daaras et ont pu identifier un total de 4 973 talibés mendiants.

La forte réduction à la fois du nombre de daaras et du nombre de talibés mendiants est un signe certain de progrès. Avec votre aide, nous n'abandonnerons jamais la lutte pour mettre fin à la mendicité et aux mauvais traitements infligés aux enfants talibés.
_______

Ceci s'agit du dernier de trois rapports présentant les avancées importantes pour les enfants talibés mendiants qui ont été rendues possibles grâce à une subvention de quatre ans de l'Union européenne, de 2016 à 2019. Nous sommes très reconnaissants de ce précieux soutien.