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Le voyage d'une vie
TweeterLe Book Humanitaire en mission chez Maison de la Gare à Saint-Louis, au Sénégal
« Lors de notre départ, qui
fut d’une tristesse infinie d’ailleurs, j’ai été émue par la reconnaissance
des jeunes talibés, par leur sourire. Ils avaient préparé
une chanson à notre
intention », se souvient Daphné Deschambault, une élève de cinquième secondaire
de la Polyvalente Saint-Jérôme, Québec.
Une vingtaine d’élèves de la Polyvalente et deux enseignants, Alain Dionne et
Isabelle Levert, ont rejoint Rachel Lapierre, la fondatrice de Le Book
Humanitaire en prenant un vol vers les confins de la terre : Saint-Louis,
Sénégal. Une ville pauvre surpeuplée où l’on trouve des talibés entassés
dans des daaras (nom donné aux écoles coraniques). Un talibé est un jeune
garçon, issu d’une famille pauvre, qui a été confié à un maître coranique
(un marabout) et qui s’évertue à parfaire ses connaissances religieuses.
« N’y cherchez pas de filles », affirme Geneviève Bédard, une autre
participante, « c’est l’inégalité totale entre les sexes au Sénégal. »
Le destin des talibés ne peut être plus tragique. « Suffit de tomber sur
un mauvais marabout », lance Émile Éthier, tout de même fier de son
expérience qui l’a mené à construire un plancher de béton dans un daara.
En effet, ces enfants naïfs, dans un état de servitude, devront trop souvent
mendier et s’occuper des tâches domestiques pour permettre à leur maître
religieux et à sa famille de bien vivre. Insalubrité,
malpropreté, pauvreté,
maladie, malnutrition; tant de difficultés que vivent ces garçons sans
jamais qu’elles entament leur sourire proverbial, leur soif de découvertes
et leur foi en l’existence.
C’est là que Le Book Humanitaire, un organisme à but non lucratif dont la
vocation est d’aider les pauvres, apporte une embellie.
Le choc des cultures
Aider, vouloir partager ses connaissances, son humanité, est une chose. Le
faire dans des conditions où la réalité diverge de nos repères culturels en
est une autre. « Des enfants se battent pour la nourriture, nous on la
jette », se désole Geneviève. « Quand j’ai réalisé que ce n’est pas tous
les enfants qui allaient avoir des vivres que nous leur donnions, ça m’a
chamboulé », renchérit Daphné.
Des enfants qui tendent les mains, qui veulent se sustenter, pris dans la
privation imposée par le Ramadan, un rite musulman. Cette réalité a ouvert
les yeux aux élèves de la Polyvalente Saint-Jérôme. Ils se sont sentis
choyés et privilégiés. « Les jeunes talibés sont heureux et reconnaissants
envers la vie ; nous, on a tout, on est matérialiste et insatisfait. Ça m’a
changé. D’ailleurs, j’ai hâte de repartir pour un autre voyage », explique
Justine Ouellet, les yeux scintillants.
Quand dans un pays où on évalue la richesse d’un homme au nombre de chèvres
qu’il détient, il est évident que c’est surprenant. Quand le nombre
d’antennes de télévision sur une maison sénégalaise indique le nombre de
femmes qu’un homme polygame a épousé, le choc des valeurs est total. Les
élèves de la Polyvalente dont Émile, entre autres, ont modifié leurs habitudes.
« Dans ce contexte, en voyant la pauvreté, j’ai réalisé que je préférais
donner plutôt que recevoir, surtout à ceux qui sont plus pauvres. Depuis
mon voyage, je suis plus sensible à la misère des autres, aux itinérants
aussi. Je finis même mes repas ! » s’exclame-t-il, songeur.
Des tâches multiples
Organisées par Le Book Humanitaire, plusieurs tâches ont permis aux élèves
de développer des compétences. À Maison de la Gare, un lieu doté d’une
infirmerie, certains élèves se sont initiés aux soins de santé. « J’ai
appris à faire des
bandages, à laver et à désinfecter des plaies et à
prendre la pression » raconte Geneviève Bédard alors que l’une de ses
comparses ajoute que certains jeunes enfants demandent des soins seulement
par besoin de réconfort.
D’autres élèves ont aidé à agrémenter les lieux en coloriant une superbe
muraille ou à faire un jardin dans des pneus inutilisés (voir photos).
« J’ai aimé le contact avec les enfants dans ces contextes-là », souligne
Justine.
Isabelle Levert, enseignante et organisatrice, résume l’expérience de la
dernière journée : « Après un peu de shopping, une partie de notre dernière
journée à Maison de la Gare, nous avons terminé la fresque, distribué d'autres
articles scolaires et jeux éducatifs et préparé et servi le repas (le seul
de la journée pour la plupart). Et, distribué un bonbon au sirop d'érable
à chacun, des casquettes, des bracelets faits par les étudiants. Nous avons
été chaleureusement
remerciés, individuellement, par les enfants et les
bénévoles de Maison de la Gare. Nous faisons maintenant partie de leur
grande famille. Les adieux ont été très difficiles pour certains. Mais,
pour remonter le moral des troupes, nous avons dansé et chanté avec eux. »
Isabelle continue : « Je ne sais pas si je devrais être contente ou triste.
Je suis contente car les jeunes étudiants venus du Canada ont laissé leurs
études, leurs familles, leur travail, leurs zones de confort pour apporter
leur aide aux enfants talibés de Maison de la Gare afin de mieux comprendre
les causes de la mendicité forcée des enfants talibés du Sénégal. Mais
encore plus, nous avons eu l'immense plaisir de travailler avec eux. Nous
espérons vraiment que les liens qui ont pu se forger restent à jamais et
que vous et nous continuions à être un réseau dynamique de jeunes
intellectuels prêts à travailler pour une meilleure condition de vies des
enfants talibés. »
Mais au-delà de tous ces souvenirs impérissables subsistera un doute, celui
des regards nécessiteux, celui de l’impuissance face à une société dont
l’organisation nous échappe. À travers tout cela, la sagesse d’Émile offre
un éclaircissement. « Le bonheur, les talibés le voient dans toutes les
petites choses », philosophe-t-il en comparant notre attitude à la leur.