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« Parce que les talibés d’aujourd’hui sont les Hommes de demain. »































La volontaire française Emmanuelle réfléchit à la devise de Maison de la Gare, stimulée par son expérience dans un daara


Maison de la Gare fore des puits pour fournir de l'eau potable dans plusieurs des pires daaras de Saint-Louis. C'est une histoire pour un autre rapport. Ici, Emmanuelle partage ses sentiments en observant le travail.
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« Quand je sais qu’instinctivement la plupart d’entre eux répondent sans réfléchir qu’ils souhaiteraient être marabouts quand ils seront plus grands, je m’interroge douloureusement sur les modèles qui peuvent les porter et les amener vers plus de dignité.

Aujourd’hui, je suis en train de travailler sur le montage d’une vidéo pour vous montrer la mise en place par Maison de la Gare de puits d’eau potable en zone précaire. Depuis plusieurs jours, j’ai passé pas mal de temps avec l’équipe qui s’en charge.

Faire cette vidéo, c’est particulièrement compliqué pour moi, car leur travail est technique et j’ai fait des centaines de photos et de vidéos, le tri est très long, travailler chaque cliché, et les mettre en ordre pour ensuite seulement faire un montage cohérent de ce projet.

Mais aujourd’hui en triant les photos j’en ai vu une en particulier que j’avais envie de vous partager à part, car même si bien sûr elle propose différents niveaux de lecture, elle représente parfaitement ma vision des Hommes que je rencontre depuis mon arrivée ici.

Il y a ceux qui sur cette photo sont au premier plan, mais si peu nombreux. Ceux-là sont humbles, engagés, volontaires, disponibles, ils sont actifs et font avancer les choses dans le bon sens. Ici, c’est Abdoulaye (qui vit dans la chambre à côté de la mienne, qui vient de Casamance et qui est venu travailler pour ce projet) et Souleymane (ancien talibé qui est né en Gambie et a grandi dans un daara de Saint-Louis) qui commencent le travail pour la construction d’un puits dans un daara aux conditions d’hygiène plus que douteuses. Le puits actuel est ouvert, souillé, porteur de bactéries et autres …

Je suis tellement admirative de ce qu’ils sont, de ce qu’ils font, de l’espoir qu’ils représentent aussi. Je suis vraiment heureuse d’avoir fait leur rencontre, car être entouré de gens comme eux est précieux, encore plus ici.

Derrière, au second plan, vous pourrez voir quelques-uns des enfants talibés du daara en question. Ces talibés, tout le monde l’accorde, ils sont les Hommes de demain, qui ici dans ce daara ne vont pas à l’école, dorment à plus de 15 dans la même pièce, et vont mendier quelques pièces ou de quoi manger, tôt le matin, parfois jusque très tard le soir …

À notre arrivée, ils étaient discrets et médusés par notre présence. Puis, ils se sont très vite approchés pour voir, pour comprendre, pour aider.

Tous sauf un, qui lui ne peut pas se lever seul, car il s’est cassé la jambe il y a plusieurs semaines déjà et il n’a pas été soigné, alors lui il reste ici toute la journée, sans bouger.

C’est affligeant, oui, clairement. Mais quand je les vois autour de l’équipe à participer en souriant je me dis que tout n’est pas perdu, et que tout est encore possible pour eux.

Et puis enfin, il y a ceux au troisième plan. Les plus élégants dans leur habillement, les plus souriants aussi et les plus avenants à l’arrivée d’une femme blanche.

Eux, c’est le marabout du daara avec quelques proches ou voisins, j’imagine. Ils sont restés là dans leurs beaux habits toute la journée, assis à l’ombre à discuter entre eux. Pas un effort, rien, aucune gratitude pour l’équipe, aucune attention particulière pour les enfants.

C’est tellement révoltant !!

En tout cas, j’espère que vous aurez pris le temps de lire le texte qui va avec cette première photo et de regarder les quelques autres que j’ajoute. Parce que cette photo ne montre pas juste deux hommes en claquettes qui creusent un puits. Cette photo montre toute l’action et l’énergie de certains face à la cruauté et l’immobilisme des autres, le tout devant une génération d’Hommes en devenir.

Alors, ne vous méprenez pas avec une seule lecture de cette photo, car ici l’élégance et les vrais hommes sont ceux qui portent des claquettes et ont les pieds pleins de boue ! »