MDG actualités
Une oasis pour jouer au lieu de mendier
TweeterLe journaliste espagnol José Naranjo découvre Maison de la Gare
Maison de la Gare à Saint Louis, au
Sénégal, sauve et accueille les enfants de la rue qui ont fugué
de leurs écoles
coraniques, leurs daaras, où souvent ils sont maltraités et exploités.
Il y a dix ans, Issa Kouyaté a travaillé comme cuisinier dans un hôtel célèbre de
Saint-Louis. Même s'il est sénégalais de naissance, originaire de Dakar, le drame
des talibés de cette ville l'a choqué. Kouyaté se rappelle: « Peu importe où vous
alliez, peu importe où vous regardiez, ils étaient partout. Alors, j'ai décidé de
faire quelque chose. À l'hôtel, nous devions jeter la nourriture qui n'avait pas
été utilisée dans les 48 heures. Je l'ai ramassée et apportée aux garçons qui s'étaient
enfuis des daaras et qui étaient rassemblés à l'ancienne gare pour dormir. »
Malheureusement, en 2009 le gouvernement de la ville a permis au marché voisin d'occuper
l'espace de la gare et les enfants se retrouvèrent sans leur refuge de nuit. Cette
période sombre s'éclaircit quand, pas très loin de là, un site pour un nouveau refuge,
Maison de la Gare, fut localisé.
« C'était une décharge publique, » poursuit Kouyaté, « mais nous avons travaillé dur
et l'avons transformé en un foyer accueillant. » Aujourd'hui, le centre de Maison de
la Gare compte trois salles de classe pour les cours d'alphabétisation, une infirmerie,
des douches et des toilettes pour les enfants, une bibliothèque, un grand espace de
jeux et un dortoir d'urgence de huit lits, grâce au soutien d'organisations
internationales telles que Global Fund for Children, les Nations Unies et l'Union
européenne, des centaines de donateurs individuels du monde entier et, surtout,
l'énergie et l'idéalisme des dizaines de volontaires. L'année dernière, Kouyaté a été
nommé « Héros » de la lutte contre la traite d'enfants par l'ancien Secrétaire d'État
américain John Kerry. Malgré tout cela, le froid, la faim
et les épreuves subies par
les petits enfants talibés de Saint-Louis persistent.
Maison de la Gare est un refuge, un endroit sûr, un espace où les enfants trouvent
tout ce qu'il leur manque. Abdou Soumaré, enseignant et animateur, enseigne les
notions de l'informatique et de l'alphabétisation dans la cour sablonneuse. Pendant
ce temps, l'infirmière Awa Diallo guérit les blessures visibles des enfants ... les
blessures invisibles sont une autre histoire ... surtout des brûlures, des coupures
et la gale. Quelques nuits de la semaine, Abou Sy, Modou Samb et Samba Ndong,
parfois sous la direction d'Issa, réalisent des « rondes de nuit ». Ils recherchent
des enfants en fugue dans tous les recoins, sous chaque bateau de pêche renversé,
parmi les étals de rue, derrière les piliers des ponts, sous les balcons et sur les
tapis de prière abandonnés.
« Ce qui est triste, c'est qu'une partie de la société en profite, les utilise comme
main-d'œuvre à bon marché pour faire des courses, conduire un wagon ou pour faire des
travaux de nettoyage », ajoute Kouyaté. « Lorsque vous vous tenez à côté d'un talibé
et que vous vous souciez de lui, les gens vous regardent avec surprise. C'est comme
si les enfants talibés n'existaient pas, comme s'ils étaient des objets. Nous savons
que nous nageons à contre-courant, que nous sommes confrontés à un pouvoir très fort ;
ils nous ont menacés, ils ont appelé la police, ils essaient de tourner des gens
contre nous. Mais nous croyons que nous changeons les choses, car ces enfants ont
compris qu'il y a une vie au-delà de ce que dit leur marabout. »
________
Nos sincères remerciements à l’endroit d'Alfredo Cáliz pour les photos dramatiques
qui illustrent ce reportage.