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Le combat continue
TweeterIssa Kouyaté fait état du sauvetage de 28 garçons talibés abandonnés dans la rue
Au plus fort de la fermeture de Saint-Louis due à Covid-19, Maison de la Gare a procédé à un retrait
des enfants dans la rue dans le quartier de Léona. Ces enfants talibés sont originaires de la ville
de Kaffrine,
dans le centre du Sénégal, et d'un village voisin.
Le daara impliqué dans cette histoire a toujours été mal vu à cause de son système d'éducation rude
utilisé avec les talibés. Souvent lors de nos rondes de nuit, nous avons retrouvé l'un de ses
talibés qui a fugué de ce daara. Cela a poussé le préfet à prendre la décision de fermer ce daara,
mais le marabout a pris l'initiative de se déplacer dans un autre endroit toujours dans le même quartier.
Cet autre endroit que le marabout avait trouvé était en fait un bâtiment en construction. Cette
maison à moitié prête était en location et ce sont les enfants eux-mêmes, à partir de leurs
versements, qui ont
payé le loyer. Les murs étaient prêts, mais il n'y avait ni fenêtres, ni
portes, ni électricité, ni eau. La maison se dégradait de jour en jour et le propriétaire avait
donné un ultimatum au marabout de se trouver une autre place parce qu'il voulait finir la construction.
Cela a pris six mois avant que le propriétaire revienne et sorte les enfants de force. Il avait
barricadé la maison parce que les enfants talibés abandonnés par leur marabout n'avaient plus de
place et revenaient toujours dans les lieux en sautant les barrières pour dormir la nuit. Pendant
ce temps, le marabout était retourné dans le Saloum au sud du Sénégal pour s'occuper de ses
cultures. Les enfants ont été abandonnés à eux-mêmes et c'est le voisinage qui leur a donné les
restes d'aliments et autres besoins.
C'est dans ce contexte qu'une personne de bonne volonté a appelé Maison de la Gare pour donner
des nouvelles et
l'urgence de venir aider ces enfants en situation de précarité. Nous nous sommes
rendus dans les lieux pour avant tout faire le constat et, à notre grande surprise, nous avons
reconnu les enfants qui ont été admis dans nos registres dans le passé pour des fautes de fugues
et de maltraitance. Nous avons en premier appelé le marabout qui nous a dit qu'il était absent du
territoire et que les grands talibés, les sous-marabouts, allaient se charger de la situation.
Mais vu la situation et la période avec le Covid, il fallait prendre une initiative. Nous l'avons
fait en invitant tous les enfants à nous rejoindre au centre. Et, une plainte a été faite pour
saisir les autorités de cet abandon fait par le marabout.
Maison de la Gare a pris la décision de prendre en charge les enfants jusqu'à leur retour en
famille. Après que le marabout eut été pris par la justice, une ordonnance de garde provisoire
nous a été gratifiée. 32 enfants en situation de rue nous ont été confiés et 28 enfants talibés
ont été retournés dans leur famille. Les quatre enfants non retournés étaient des fils de
marabouts qui n'ont pas voulu que leurs enfants retournent au village. Les 28 enfants ont passé
21 jours dans le centre avant que le tribunal ne nous délivre un arrêté de renvoi immédiat
en famille.
Issa a été rejoint par notre éducateur de rue Mamadou Gueye pour le retour, qui s'est avéré
être un voyage de 23 heures. Le retour a été fait avec l'appui du procureur de Saint-Louis
qui a diligenté la sécurité du convoi en prenant acte des lieux où doivent aller les enfants.
Les autorités de Kaffrine et du village ont été saisies pour le suivi cas par cas.
Le chef de village a accueilli les enfants, vu que les familles ne se sont pas déplacées pour
ce faire. Tous les documents ont été visés par ce chef de village. Mais, après notre retour
à Saint-Louis, les familles ont rejeté l'idée que les enfants restent dans le village.
Un mois après leur retour dans le village, le marabout est retourné dans le village pour
reprendre la majorité des enfants talibés qui ont été retournés, avec le consentement des parents.
Ils sont tous revenus à Saint-Louis et ont recommencé à faire la mendicité dans les rues pour
le compte du marabout.
Mais, tout n'est pas perdu. Le marabout sait maintenant jusqu’où nous pouvons aller, à
l'extrême même s’il le faut. Le procureur avait donné l'ordre de fermer le daara et cela a
été fait et le marabout a loué un nouveau local où des mesures restrictives devront dorénavant
être respectées. Par ailleurs, nous sommes en contact direct avec les enfants du daara. Ils
n'ont pas besoin de s'enfuir avec leur nouvelle demeure. Le marabout est en train de suivre
les mesures prises par les autorités sur la protection des enfants.
Les enfants savent maintenant ce qu'est la maltraitance et même qu'est-ce qu'il faut faire en
cas d'exploitation.