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Un talibé donne en retour aux talibés
TweeterLa passion d’Elhage - Sonia LeRoy partage son expérience avec un jeune homme remarquable
Elhage ne mène pas une vie facile. Il est
un exemple de ce que Maison de la Gare peut offrir comme espoir pour leur avenir et des
opportunités aux talibés
prêts à profiter de ces opportunités. Et, pour ceux qui ne le font
pas, Maison de la Gare leur offre au moins un répit quotidien à leurs situations très
difficiles. Elhage est une personne intelligente. Il est attentif aux autres et sa nature
est positive et optimiste malgré les années d'abus qu’il a vécues au daara. Quand
l'occasion se présente, Elhage répond. De plus, il n'oublie pas d'où il vient, ni ceux
qui n'ont pas été aussi chanceux que lui.
Elhage s’est joint au programme de karaté il y a quelques années lors de son introduction
à Maison de la Gare. Et, il a participé aux programmes éducatifs depuis le début. Il est
toujours là, observant, apprenant, prêt à aider les autres en cas de besoin. Lorsque le
nouveau programme d’apprentissage en couture a été lancé au centre, Elhage s’y est inscrit
dès le début, convaincu que ce métier peut être la clé du succès dans la vie.
Parlant de son apprentissage, Elhage a déclaré: « Ne pas avoir de métier à mon âge,
c'est comme marcher à l'aveugle. » La plupart des talibés sont confrontés à ce défi.
Les talibés peuvent rester sous la houlette de leurs marabouts jusqu'à 20 ans ou plus,
n'ayant jamais accès à une éducation formelle ou aux possibilités d’apprentissage. Leurs
seuls compagnons sont d’autres enfants négligés. Les seuls enseignants
qu’ils ont les
forcent à mendier et abusent d’eux. Qu'apprennent-ils dans cet environnement ? À quel
moment apprennent-ils à subvenir à leurs besoins et à contribuer en tant que citoyens ?
De nos jours, Elhage est une personne occupée. Il passe deux jours par semaine au marché,
généralement le dimanche et le lundi, espérant avoir la chance d’exécuter de petits travaux
pour gagner assez d’argent pour se nourrir toute la semaine. Il travaille les autres jours
de la semaine dans le
programme d’apprentissage en couture. Mais il assume également des
responsabilités à Maison de la Gare. Elhage dort dans le centre de Maison de la Gare la
nuit. Ainsi, lorsque les talibés en fuite découverts dans les rues au cours des rondes de
nuit sont amenés au dortoir d’urgence de Maison de la Gare à 1 h ou à 2 h, Elhage est là
pour les accueillir et les aider à faire leur lit, leur donner un peu de nourriture, et
les border dans leurs lits pour la nuit. On lui confie les clés des locaux et il est
disponible à aider pour tout ce qui est nécessaire à tout moment. Mais ce n'est pas tout
ce que fait Elhage. Il s'est engagé à fournir des soins dans les daaras.
Plusieurs jours par semaine, le matin, Elhage prépare un sac de fournitures médicales et
se rend dans les daaras pour offrir des soins sur place aux talibés qui ne peuvent pas se
rendre à Maison de la Gare. S'il y a des volontaires internationaux, il les invite à
l’aider. J'ai demandé à Elhage pourquoi il fait cela - sortir tôt le matin pour arpenter
les ruelles poussiéreuses et sales à la recherche de daaras éloignés et négligés, pour
nettoyer, désinfecter et panser les blessures de petits garçons, appliquer des onguents
et déterminer qui pourrait avoir besoin d'antibiotiques ou d'hospitalisation, prenant le
temps qu’il doit consacrer
à son apprentissage. Il m’a répondu que c'est parce qu'il
était un talibé mendiant pendant de nombreuses années, battu par son marabout et négligé.
Il dit qu'il sait ce que ces garçons endurent. Il ne veut pas qu'ils soient oubliés.
Il sait qu'ils ont besoin d'aide et qu'il peut leur en donner. Elhage a souligné que
Maison de la Gare l’a soutenu alors qu'il était immergé dans la vie de son daara et lui
a offert l'occasion de se frayer un chemin dans la vie. Elhage explique que les garçons
de ces daaras éloignés ont de la difficulté à se rendre régulièrement à la clinique de
Maison de la Gare. Il dit que c'est donc quelque chose qu'il doit faire.
Un matin, j'ai accompagné Elhage dans ses rondes médicales aux daaras. Comme nous
étions en retard, nous avons pris un taxi pour nous rendre près du premier daara.
Elhage m’a dit qu’habituellement, il se rendait à cette zone à pied et qu’il lui fallait
compter plus d’une heure. Nous avons approché le daara et Elhage a salué poliment le marabout.
En entrant dans le daara, Elhage fut immédiatement entouré et accueilli par de nombreux
petits garçons. Ils le connaissaient bien et ont salué sa présence. Nous nous sommes
assis et les garçons se sont présentés à nous un par un. Nous avons mis des gants
médicaux et examiné leurs blessures, et puis nous nous sommes mis à nettoyer,
désinfecter et panser. Un groupe de garçons s'est blotti autour d'Elhage pendant que
je travaillais sur un orteil très gravement infecté. Les garçons du groupe d'Elhage
avaient été circoncis
il n'y a pas longtemps, mais leurs blessures ne guérissaient pas.
J’ai jeté un coup d'œil alors qu’un garçon après l’autre montrait son pénis enflé et
infecté pour qu’Elhage puisse le traiter. Elhage a pris ce qui a semblé être des
heures pour nettoyer minutieusement et panser les plaies. Je lui ai demandé plus tard
s'il était habituel d'avoir des problèmes aussi extrêmes après la circoncision, et il
m'a répondu pas du tout. C'est très inhabituel, mais fréquent dans ce daara très insalubre.
L'orteil du garçon que j’ai traité avait enflé à environ deux fois sa taille normale.
Et, après avoir nettoyé le sang séché et la crasse incrustée, je constatai qu’il n’y
avait plus de peau sur sa presque totalité. C’était douloureux chaque fois que je
le touchais. Je lui ai donné quelques Advil et il a serré les dents stoïquement,
les larmes aux yeux, alors que je faisais de mon mieux pour lui. Comme ce garçon va
pieds nus, je doute que son bandage survive. Elhage a dit qu'il consultera
l'infirmière Awa et reviendra bientôt avec des antibiotiques;, espérons-le.
Au deuxième daara que nous avons visité, nous n’avons traité que quelques garçons.
Mais un cas était assez grave. Elhage a déclaré qu'il devait venir au moins tous les
trois jours pour nettoyer et désinfecter la jambe blessée de ce garçon. La jambe était
chaude et enflée sur
une grande région et je faisais de mon mieux pour la nettoyer
sans eau. Elhage a ajouté le cas de ce garçon à la liste pour consultation avec Awa.
Quelques talibés sont venus se faire soigner et n’avaient que de légères égratignures.
Cependant, comme ils semblaient se réjouir de l'attention que l'on leur portait alors
que nous les nettoyions et les bandions, nous en furent ravis de le faire.
Finalement, nous sommes retournés à Maison de la Gare, tous nos bandages et pansements
utilisés et ma bouteille d'Advil vide. La plupart des autres membres du personnel et
des enfants étaient partis depuis longtemps pour la pause de l'après-midi. Elhage,
en revanche, se dirigea vers la salle de couture et se remit au travail.