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Un parcours tellement extraordinaire




































Issa Kouyaté s'émerveille du parcours d'Arouna, d’enfant brutalisé à ambassadeur international des talibés


Maison de la Gare a toujours travaillé pour améliorer les conditions des enfants talibés dans leurs daaras, mais aussi pour comprendre pourquoi ils ont quitté leurs communautés d'origine. En effet, lorsqu'ils quittent leurs villages la plupart de ces enfants n'ont aucune idée de ce qu'ils vont faire à Saint-Louis et même pourquoi ils quittent leurs villages.

Suite à nos enquêtes auprès des familles et des maîtres coraniques ou marabouts dans certains villages reculés, nous avons constaté que beaucoup vivent dans une extrême pauvreté causée par le réchauffement climatique et la désertification, et c'est ce qui les pousse à chercher un mode de vie durable. De nombreux marabouts de ces régions ont trouvé refuge dans les zones urbaines avec un nouveau mode de vie, mêlant éducation coranique et exploitation des enfants.

Un jeune talibé du nom d'Arouna Kandé est un exemple parmi tant d'autres qui ont eu la chance d'obtenir une bonne éducation. Il a perdu son père et sa mère à un jeune âge et a dû subir les abus de la société, de son marabout et des talibés plus âgés de son daara. Cela n'a pas empêché Arouna de redoubler d'efforts et d’acquérir confiance en lui-même. Il a voulu à tout prix réussir en se consacrant à l'éducation coranique et académique.

Ce fut très difficile pour ce jeune talibé qui a fait les rues de son village à un très jeune âge pour ensuite déménager à Saint-Louis et vivre dans un daara dans des conditions d'extrême pauvreté. Il découvre soudainement qu'il doit se nourrir et qu'il doit vivre sans eau ni électricité, sans lit pour dormir et sans couverture pour se protéger du froid. Cependant, cette dure réalité n'a pas arrêté Arouna et l'a encouragé à ne pas abandonner sa vision. En plus de ces défis, une fois à l’école la torture et l'agression ont continué, cette fois-ci verbalement, infligées par les enseignants et les autres élèves.

Arouna avait la foi, et il a réussi. Il devait passer son baccalauréat pour avoir droit à une place à l'université, mais les examinateurs inconnus ne lui ont pas permis de le passer cette année ; il devra réessayer l'année prochaine. Pourtant, Arouna est devenu une icône et un modèle pour ses compagnons talibés et une lueur d'espoir pour ceux d'entre nous qui voient des possibilités infinies dans les yeux de ces enfants.

Je dois vous dire que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ! Cette année a été sacrée et pleine de surprises. Un documentaire est en cours de réalisation sur la vie d'Arouna au cours de ses vingt ans et il sera distribué au début de 2022. Cela a ouvert les portes de la connaissance à Arouna qui a rencontré des personnes célèbres dont l'Imam Ratib de Saint-Louis et le Pape François à Rome.

Ce documentaire suit le parcours d'Arouna depuis sa maison en Casamance alors qu'il luttait et s'adaptait à la vie cruelle de son daara. À l'âge de sept ans seulement, il a dû oublier la vie de famille avec ses parents et apprendre à subvenir à ses besoins dans la rue pour trouver de la nourriture, des vêtements et l'argent que son marabout demandait. Il y a dix ans, il a été introduit à Maison de la Gare par certains des enfants talibés de son daara, et il est devenu un participant engagé dans nos cours d'alphabétisation. Il a fait preuve d’un grand courage et a accepté de commencer une scolarité formelle, sans se rendre compte que cela le conduirait un jour à passer les examens d'entrée à l'université.

Le parcours assez cafouilleux d'Arouna l’a mené à une invitation du Saint-Père, le Pape François, à Rome, où ils se sont rencontrés lors d'une audience de 40 minutes. Selon les mots d'Arouna : « J’ai eu la chance d’aborder avec lui le problème de la mendicité, des pauvres et de l’injustice que j’ai subie dans les écoles sénégalaises et dans les daaras. Il était très étonné. Il a dit qu’il va construire un lien solide avec moi pour que je puisse défendre les pauvres et les personnes qui ne sont pas reconnues à travers le monde. »