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Souvenirs précieux et troublants de Maison de la Gare
































Joy Bowers, volontaire anglaise, raconte son expérience


« Je trouve presque impossible de mettre en mots tout ce que j'ai vécu à Saint-Louis avec Maison de la Gare. Lorsque je ferme les yeux et que je rentre en moi-même, je revois à nouveau l’amour de ma famille d’accueil, la mère qui s’est occupée de moi quand je suis tombée malade la première semaine, tous les différents visages des nombreux enfants, leur enthousiasme et leur empressement à jouer, à attirer l'attention et à apprendre. Les talibés aînés incroyables qui vivent au centre, toutes nos conversations, la folle fête que j’ai organisée pour eux ; nous avons dansé toute la nuit ivre d'adrénaline. Ma promenade quotidienne au centre depuis la maison de ma famille d'accueil, la mer dans toute sa beauté, la langue de Barbarie, toutes les pirogues colorées (bateaux de pêche) et, bien sûr parmi tout cela, la vie, la couleur, l'amour et la chaleur de tous les Sénégalais que j'ai rencontrés et la pauvreté et les souffrances inimaginables des petits enfants.

Il y a quelques années, j'ai découvert Maison de la Gare en naviguant sur l’Internet à la recherche d'une organisation francophone avec laquelle je pourrais travailler. Je revenais tout juste de Naplouse en Cisjordanie où j’y avais enseigné l’anglais. J'avais vécu une expérience incroyable et je voulais à nouveau pouvoir travailler pour une petite organisation, et Maison de la Gare est justement petite. Je doute que j'aurais pu entendre parler ou en apprendre sur la situation à Saint-Louis si je n’avais pas vraiment eu envie de parler un peu le français ! Personne de mes connaissances n'était au courant de cette organisation avant que je leur dise où j’allais être pendant quelques mois. Deux ans et demi plus tard, j'ai pu devenir volontaire à Maison de la Gare. Pendant ce temps, je pensais à l’horrible situation que doivent affronter ces jeunes talibés, mais c’était encore virtuel dans mon esprit.

Autant qu'on puisse lire sur les talibés et le travail de Maison de la Gare, je ne pense pas que quoi que ce soit puisse préparer quelqu'un à vivre les premiers jours à Saint-Louis. La prise de conscience qu’il faut vivre aux côtés de cette situation bizarre et incroyablement cruelle, et accepter que le vol de l‘enfance de ces enfants fasse partie de la vie quotidienne. Le plus humiliant est peut-être que la plupart des habitants de Saint-Louis sont impuissants à faire autre chose que vivre à côté de cette réalité.

En tant que citoyens du monde, ne devrions-nous pas nous rassembler pour mettre fin une fois pour toutes à cette situation tragique, tout en reconnaissant que le hasard nous a donné nos vies actuelles et que nous ne sommes qu'à quelques heures de vol de cette situation inimaginable ?

En tant qu’adulte, lorsqu’on passe devant tous ces petits enfants, je ressens la responsabilité de faire quelque chose. J’aurais voulu acheter des petits biscuits, des bonbons et des fruits et leur donner quelque chose. Mais, il est impossible de donner à tout le monde. Une autre grande tragédie est que tant d’enfants se disputent et rivalisent pour si peu ; il n'y en a jamais assez.

Durant mes premières heures de volontariat, deux garçons un peu plus âgés, Kalidou et Souleymane, m'ont approchée. Ils m'ont demandé si j'étais anglaise et si je leur enseignerais l'anglais. Ils avaient un bon niveau de départ. J'étais heureuse et depuis, tous les soirs du lundi au vendredi, j'ai enseigné une classe débutante et un cours d'anglais avancé. J'ai passé les heures au bureau plus tard dans la soirée à planifier des leçons.

Plus d'étudiants sont arrivés. Parmi eux, certains n’avaient aucune base d’anglais ou de français. Comme j’avais trop d’étudiants et trop peu de temps, je devais leur dire d’attendre et que je leur apprendrais l’alphabet et les phrases de base plus tard, quand je pourrais. Je déplore de n'avoir pu planifier un cours pour débutants pour ces garçons et enseigner les bases. Et je me sens coupable de n’avoir pu les aider. Je n'avais aucun moyen de les contacter à nouveau. Ils ont disparu et j'espère qu'ils auront une chance d'apprendre l'anglais une autre fois.

J'ai toujours été impressionné par l'intelligence et la passion d'apprendre de nombreux élèves, d'autant plus qu'aucun d'entre eux n'avait été à l'école. Pouvoir les aider à apprendre de nouveaux mots, répondre à leurs questions de grammaire et les voir progresser était merveilleux. Je savais aussi, grâce aux relations que j'ai tissées avec ces garçons plus âgés, à quel point ils étaient semblables aux enfants de leur âge au Royaume-Uni. Nous sommes tous si semblables et j'espère que beaucoup, beaucoup plus de volontaires pourront me suivre et continuer à leurs enseigner et à les aider à s'améliorer. Leurs capacités en anglais leur ont ouvert la porte de l'éducation qu'est l’Internet, et c'est la voie à suivre pour eux.

J'avais apporté de chez moi un ensemble de masques de théâtre, conçus pour encourager le jeu, la créativité et l'expression émotionnelle. Nous avons eu des leçons amusantes et intéressantes avec des talibés de tous âges. Cependant, en regardant certains des plus jeunes enfants interagir avec les masques, il était facile de voir dans quelle mesure ils étaient en retard de développement par rapport aux enfants à qui j'avais enseigné auparavant. J'ai beaucoup aimé diffuser à haut volume la musique sénégalaise depuis mon haut-parleur et mettre en place des tables avec les enfants en train de dessiner, de fabriquer des objets artisanaux et de jouer à des jeux ensemble.

J'ai agi comme bénévole auprès de différentes organisations locales ailleurs dans le monde et j'ai vécu de nombreuses situations de test différentes, mais mon expérience à Saint-Louis a été sans aucun doute la plus difficile et la plus cruelle de ma vie, à cause des maladies des enfants, le manque de ressources et l'incapacité de donner à chaque enfant l'amour, le réconfort et le soutien qu'il mérite, sans parler des vêtements propres, des chaussures et de la nourriture en quantité suffisante.

J'invite tous ceux qui ont la passion d’aider les autres et le désir de devenir un volontaire de Maison de la Gare à le faire en gardant à l’esprit le poids de la situation et la manière dont vous allez affecter la vie de nombreux enfants. Vous deviendrez pour eux pendant un court instant l’incarnation de la stabilité et des soins, puis vous disparaîtrez littéralement. Restez aussi longtemps que possible. Deux mois, c'était tout ce que je pouvais me permettre. J'aurais aimé rester plus longtemps. Le plus de temps vous pourrez consacrer à l'établissement de relations et à la recherche de solutions, le mieux ce sera. Plus important encore, la contribution au centre en tant que volontaire est vitale pour son travail inestimable dans la lutte pour les droits des enfants et le maintien d’un espace sûr pour eux.

À tout le monde à Maison de la Gare, le personnel comme Abdou si accueillant et solidaire, les bénévoles locaux comme Lala qui font preuve de générosité et d'engagement remarquables envers les talibés et tous les enfants aînés, sachez combien je vous apprécie et comment je vous suis reconnaissante de vous avoir dans ma vie. »