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Une lumière qui renaît dans l’obscurité
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Ibrahima Diao, du talibé au formateur engagé
Ibrahima Diao n’a jamais oublié le goût amer de la séparation ni l’odeur de la poussière soulevée par la voiture qui
l’a emmené, enfant, loin de tout ce qu’il connaissait. Né à Niagha,
un village paisible de la région de Sédhiou au
Sénégal, il grandit dans une famille musulmane, entouré de l’amour discret mais profond de sa mère Aïssatou. Sa vie
bascula brusquement lorsque ses parents divorcèrent. Sa mère partit en Gambie avec lui pour trouver du travail.
Trop jeune pour rester seul, Ibrahima fut ramené au Sénégal et confié à sa tante.
Il vécut chez elle une période d’équilibre, de chaleur humaine et de bonheur simple. Inscrit à l’école, il découvrit
le plaisir d’apprendre et de jouer avec ses camarades. Il se croyait tiré d’affaire, prêt à une enfance comme les
autres. Mais ce ne fut qu’un court répit.
Le début de l’épreuve
À l’âge de 10 ans, le père d'Ibrahima décida de l’inscrire dans un daara, une école coranique, sans même lui en
expliquer la finalité. Pour Ibrahima, c’était une aventure inconnue, presque excitante. Mais ce sentiment s’éteignit
dès les premiers instants. À son arrivée au daara de Bango, près de Saint-Louis, la réalité frappa avec une brutalité
insoutenable, pauvreté, solitude, mendicité, et violence psychologique.
Privé de son enfance et de sa famille, Ibrahima dut s’adapter à un quotidien rigide et éprouvant : récitations
nocturnes du Coran, réveils à l’aube, et longues heures de marche pieds nus pour mendier de quoi survivre.
« J’étais devenu un talibé, un vrai, pauvre, sale et seul », confie-t-il. Il n’avait plus de repères.
Son identité se diluait dans les rues de Saint-Louis, entre les pots de tomates vides et les regards indifférents.
Une lueur d’espoir
Pourtant, même dans la nuit la plus noire, une étoile peut briller. Ibrahima trouva un premier refuge dans l’amitié
entre talibés, ces enfants qui, comme lui, partageaient la même détresse et s’épaulaient pour survivre.
Plus tard, une autre étincelle se présenta, la possibilité de suivre une formation en coiffure grâce à un ami,
ancien talibé, qui avait
trouvé sa place avec ce savoir-faire. Ibrahima s’accrocha à cette chance. Il se forma
avec rigueur, détermination et patience. Pour lui, ce n’était pas seulement un métier, mais une porte de sortie,
une bouée de sauvetage.
Ibrahima avait déjà trouvé une oasis de refuge au centre de Maison de la Gare. En commençant à utiliser sa
nouvelle compétence, il y trouva une famille, un lieu d’accueil, un espace où l’on ne le jugeait pas sur son
apparence ou son passé, mais sur son potentiel.
De l’élève au formateur
Grâce à Maison de la Gare, Ibrahima put mettre en pratique ses compétences en coiffure en coiffant les enfants
talibés. Il fit preuve de sérieux et de générosité, devenant peu à peu un exemple à suivre pour les plus jeunes.
Mais il ne s’arrêta pas là.
Toujours avide d’apprendre, il suivit le programme d'apprentissage en couture et, plus tard, une formation en
aviculture.
Là encore, il brilla par son assiduité et sa passion. Il alla jusqu’au bout du programme et,
grâce à la confiance de son formateur Cheikh Ablaye, il se vit confier la gestion d’un poulailler.
Aujourd’hui, Ibrahima n’est plus simplement un ancien talibé. Il est devenu formateur, un homme debout qui
transmet à son tour, un acteur du changement qui tend la main à ceux qui traversent l’enfer qu’il
a lui-même connu.
Une vision claire pour l’avenir
Ibrahima ne rêve pas d’une vie extraordinaire. Il aspire à une vie digne, indépendante, où il pourra subvenir
à ses besoins sans mendier ni dépendre des autres. « Je veux que mon histoire serve à d’autres. Je veux
leur dire que
rien n’est fini, qu’il y a toujours une autre voie, un autre avenir possible », dit-il avec
une conviction profonde.
Son parcours illustre la capacité de résilience des enfants talibés lorsqu’ils sont soutenus, écoutés, formés
et valorisés. Il témoigne aussi de l’importance cruciale des associations comme Maison de la Gare, qui offrent
bien plus que de l’aide. Elles redonnent une identité, un espoir, une voix.
Aujourd’hui, Ibrahima continue d’apporter sa contribution à la communauté. Il ne cherche pas la reconnaissance,
mais le progrès. Son combat est silencieux, mais puissant. Il est la preuve vivante que l’on peut sortir de
l’invisible et construire sa propre lumière.